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Chouette! il pleut! ouvrons les fenêtres!

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novembre 25, 2010

jacques Ancet

Chronique d'un égarement (2003-2006)


On ferme les yeux, on les ouvre. Jamais le même décor. Le même, pourtant. Avec la mouche, le gros orteil et des bruits de moteur. Qu'est-ce qui vient ? Quelque chose qu'on pourrait appeler le bonheur. Mais le bonheur, on le sait, n'existe pas. Seul son mirage. Comme tombée du haut mais aussi du sol, une lumière trop belle pour y croire tout à fait.


*

J'écoute. Une route au soleil. Un espace plus vaste avec le bruit des feuilles poussées par le vent. De temps à autre, une voiture. Puis un silence relatif. Où se logent des prés, des maisons, des montagnes. Que chercher d'autre que ce présent ? Une touffe de lavandes sèches, un cerisier à peine jauni, un parking. Des cris d'enfants disent la vie. Je ferme les yeux. Sur la peau, une légère chaleur. Un souffle. Une attente qui n'attend rien.


*

Retrouver une vieille habitude empêche-t-il d'être perdu ? Assis à la même place -- mais il n'y a jamais de même place --, je laisse le paysage (couleurs, ombres et lumières, mouvements) me traverser les yeux. Les bruits du jour, les images s'éloignent. N'en reste qu'une trace mouvante, très longue à s'effacer. Ensuite, c'est un suspens. Entre quoi et quoi, comment le dire ? Ensuite, comme une entrée dans le sommeil. A ce moment précis, une vague étincelante me submerge et tout rentre dans l'ordre.

*

J'ai cessé d'être perdu et plus rien ne m'arrive.


*

J'ai pris l'une de mes mains dans l'autre. Je vois des gouttes et un silence de fumée. Des choses arrêtées aux lisières du vide. Un tronc massif, plus obscur que le gris. Une lenteur de feuilles. Leur immobilité jaune. De l'herbe, un store, un radiateur. Et, plus près, ces mêmes mains, un genoux, un pied posé. Entre, l'espace recommence.


*

Je sais que je vais bientôt cesser d'être perdu. Mais avant je voudrais parler encore. Dire, dans l'illumination soudaine le rouge scintillant des fruits, le vert d'où semble naître la lumière. Et le silence d'un après-dîner qui en contient tant d'autres. A perte de temps. Même jour, même visage, même lunettes posées, même absence, même voix dans la pièce voisine qui parle et qu'on ne comprend pas.


*

La lumière suffirait-elle ? Les ombres sont plus nettes, les couleurs plus vives, mais ce qui vient ressemble à la tempête. Peu importe. Je ne vois pas plus loin que le bout d'un instant qui sans cesse m'échappe, sans cesse m'appelle. C'est pourquoi je suis perdu. Entre la montagne et la tasse, le ronflement de la pelleteuse et le craquement du radiateur. Entre ce que je vais dire et ce que je dis. Entre le regard et les choses, le matin et le soir. Entre, toujours. Entre les mots comme entre les pierres du torrent. Entre ton corps et le mien, entre ma vie et ma mort.


*

La voix se retire, comme les eaux. Impossible de la retenir. Elle laisse derrière elle projets inachevés, velléités, oubli. On écoute. Rien ne reste qu'une sorte de grésillement au milieu d'un silence incertain. Un paysage pourrait encore s'y loger avec sa lumière pâle, ses feuillages obscurs, ses lointains bleutés. Mais il hésite au bord des yeux, entre les mots, entre être et non être. Comme une image qui s'éloigne, dans laquelle on ne sait plus entrer.

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