
La tâche d'inexister
On me parlait d'une civilisation dotée de tous les moyens du marbrier, du fondeur, et qui était l'héritière d'un art classique qui aimait placer des éphèbes nus, des Korés, aux carrefours de ces villes ou dans la pénombre des temples. Mais cette nouvelle époque ne voulait plus de statues. Elle n'avait que des socles vides où parfois on faisait un feu que courbait le vent de la mer. Les philosophes disaient que c'est là, ces emplacements deserts, les seules oeuvres qui vaillent : assumant, parmi les foules naïves, la tâche d'inexister.
Yves Bonnefoy, La Vie errante suivie de Remarques sur le dessin - Poésie/Gallimard
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire